Arrivée encore bien ignorante

Après quelques jours de marche, fuyant un évènement trop lourd, Aemilia qui s'était plongée dans un profond mutisme, arriva au deuxième quartier de Sparte. Ne connaissant rien encore de cet endroit, elle jugea intéressant de se rendre à l'auberge. C'était là que les langues se déliaient le plus facilement. Elle poussa la porte et regarda à l'intérieur. Pas grand monde... l'ambiance était sinistre. Aemilia s'avanca tout de même et s'assit stratégiquement à la seule place qui lui permettrait d'entendre les conversations.
Un serveur s'approcha et lui demanda ce qu'elle désirait. La jeune femme reflechit quelques instants et lui demanda un verre de vin accompagné d'un plateau de figues sèches.

Elle regarda furtivement les lieux et remarqua deux hommes à une table non loin de là. Ils discutaient politique, ce qui attira d'autant plus l'attention d'Aemilia.

"L'élection des éphores devrait bientôt avoir lieu ! Pourquoi ne te présentes-tu pas ?"

"Je pensais que tu savais pourquoi : je n'ai pas 30 ans. Impossible pour n'importe quel spartiate de se présenter s'il n'a pas 30 ans. C'est trop tôt pour moi. Mais on verra dans 5 ans...."

"Ahahaha ! Et si tu loupes ces élections, tu pourras toujours te présenter pour la gerousia quand tu seras un peu plus décrepi !"

"Rigole rigole ! Mais quel honneur ce serait pour moi...."

"Tu rêves trop mon ami ! Laisse la politique aux faibles et aux intriguants ! Nous sommes de bons et loyaux soldats. La ville a toujours besoin de nous !"

Alors qu'ils allaient trinquer, Aemilia bu une gorgée du liquide frais et piquant que venait de lui apporter l'aubergiste. Il était évident que la jeune femme voulait assouvir son envie de pouvoir. Malheureusement, elle était encore trop jeune pour cela. Elle reposa violemment son verre sur la table. Qu'allait-elle bien pouvoir faire !? Se déguiser en vieil homme ? Trop risqué....mais...et le roi ? Une lueur d'espoir venait d'illuminer son regard. Elle se retourna une seconde fois, mais les deux soldats étaient repartis, et le serveur avait disparu. Seule dans l'auberge, elle ne pouvait plus rien apprendre.

Bien décidée à en apprendre plus, elle attendit, tapie dans l'ombre, sa future proie...

Nous étions en pleins milieu de l'après midi, il faisait chaud dehors. C'était une bénédiction et une malédiction pour l'aubergiste. Les gens qui venaient chez lui prenaient quasiment tous a boire, mais malheureusement, par une telle chaleur il n'y avait que peut de monde dehors, donc peut de monde dans son auberge...

Roberto l'aubergiste finissait d'essuyer quelques verres, les serveur c'étaient assis dans l'arrière salle et avaient entamée une partie de carte. Il ne leurs dit rien, seulement quatre personnes aujourd'hui, il ce chargea donc d'aller servir une petite dame assise dans le fond...

« Mon ptit Roberto, c'est pas aujourd'hui que tu fera fortune... Haa au moins après les guerres les gens venaient fêter les victoires de Sparte... »

Lorsqu'il arriva devant cette demoiselle, il souris, captivé par son regard, et demanda avec gentillesse :

« Bonjour ma demoiselle, j'ai remarqué que vous aviez fini votre plateau, je me permet donc vous demander si vous désirez reprendre autre chose. Je suis a votre service, si vous avez besoin de quoi que ce soit...»

Lorsqu'elle vit l'aubergiste venir à sa rencontre, Aemilia ne put s'empêcher de lever un sourcil, signe de l'intêret qu'elle portait au nouveau venu. Enfin quelqu'un qui pourra la renseigner ! Alors qu'il lui proposait de la resservir, Aemilia pensait à tout autre chose et ne se vit pas sourire malicieusement.

*Joli garcon en plus ! Cela n'enlève rien à cette rencontre imprévue...*

Elle se ressaisit bien vite, de peur que ce dernier puisse lire ses pensées. Elle poussa le verre et le plateau sur le bord de la table et sortit une petite bourse contenant certains objets étranges et une somme conséquente de pièces d'or.

"Hé bien, si aucun client ne vient, pourquoi ne vous asseyerez vous pas à ma table ? Je viens d'arriver, je ne connais personne, et je cherche un travail...tourné dans la politique, c'est vrai, pourtant, j'ai l'impression que je ne peux rien trouver à cause de mon jeune âge..."

Tout en lui exposant brièvement la situation, elle lui tendit une chaise en face d'elle, l'invitant à s'asseoir. Ce jeune homme très poli n'avait pas l'air d'avoir passé une journée des plus rentables, et Aemilia se dit qu'une petite conversation serait des plus distrayantes, pour lui comme pour elle.

"Je vous invite même à prendre ce que vous voulez ! Je paye la tournée en échange de votre présence à ma table ! Qu'en pensez vous ?"

Un sourire innocent et charmant se dessina sur les lèvres d'Aemilia, qui démontrait le réel plaisir qu'elle prendrait à converser avec cet aubergiste. Il y avait bien longtemps qu'elle n'avait pas parlé sans arrière pensée ou sans se méfier des rumeurs qui pourraient courir à son sujet. Etrangement, elle se sentait chez elle dans cet endroit où elle ne connaissait personne.

Roberto regarda la jeune , et jolie, femme assise devant lui souriante elle aussi. A sa proposition de s'asseoir avec lui, il lassa un petit temps de pause. Il regarda autour de lui, un des clients était partis après avoir fini son verre, plus que trois clients dans la salle...

« Et bien soit, j'accepte avec plaisir de vous tenir compagnie.»

Roberto, en bon aubergiste qu'il était, jeta un bref coup d'oeil dans la bourse pour y juger de son poids, plus par réflexe que par avidité.

* Étranges petits objets que voila... Et quels magnifiques yeux que voilà aussi héhé...*

C'est alors que cette jeune demoiselle lui proposa de lui offrir une tournée... Roberto laissa transparaître un petit sourire amusé.

« Ha ha ! Une si jolie demoiselle qui m'offre à moi l'aubergiste une tourné dans ma propre enseigne... Laissez donc ma chere, je suis peut être aubergiste mais j'ai des manières tout de même. Dites moi plutôt ce qui vous ferait plaisir, boisson ou plat et je me ferais un plaisir de vous l'apporter. Je vous l'offrirais de bon coeur. Mais d'abord, s'il faut un échange pour m'asseoir à votre table, il me plairait beaucoup de connaître votre nom... »

Roberto affichait un sourire bienveillant, attendant sa commande pour la lui apporter et en suite entamer une conversation avec cette si jolie demoiselle...

Aemilia fut enchantée de voir l'aubergiste s'asseoir à sa table de si bon coeur. Qu'il était bon de faire de nouvelles rencontres ! Et en tant que jeune homme bien élevé, il refusa sa généreuse proposition et lui offrit le couvert. Charmeur et beau parleur, la jeune femme apprécia la tournure que le maitre de ces lieux employa afin de connaitre son prénom.

"Ainsi gagnerai-je le droit de vous avoir à ma table. Fort bien, mais attention, ne fuyez pas au premier client venu....je m'appelle Aemilia..."

Gourmande par nature, notre petite brune se laissa tenter par une coupe de jus de raisin et, cette fois-ci l'accompagna par un petit bol d'olives. Le serveur alla chercher ce dont elle avait besoin, et lorsqu'il revint, s'assit pour de bon en face d'elle. Il la fixa avec insistance, et la jeune femme se sentit genée. Elle n'avait pas un énorme succès auprès de la gente masculine, mais tous avaient un bien grand mal à ne pas regarder ses yeux verts. Il est parfois difficile de soutenir de tels regard.

"Alors... Roberto, n'est ce pas ? C'est ainsi que j'ai entendu une cliente vous appeler...je dirai au passage que la clientèle féminine de l'auberge ne semble pas insensible à votre charme...savez vous où je pourrai trouver un petit travail temporaire ? Cette bourse est pour l'instant bien garnie, mais elle n'est pas éternelle, et il me faudra bien un moyen de la remplir à nouveau..."

Pour prouver ses dires, Aemilia prit sa bourse et la soupesa lentement; les pièces, secouées, émirent un tintement fort agréable à entendre. Puis, trouvant malpoli d'exposer toutes ces pièces aux regards indiscrets, elle les cacha sous les plis de sa toge blanche.

*Mhhh Aemilia quel joli prenom...*

Roberto s'assit à la table, en face d'elle, croisa ses coudes sur la table.

*Moi?! Du charme sur mes clientes? Arf ouai... Elle doit sûrement parler d'Augustus, il a été émasculé lors d'un combat.. Bref passons là dessus... Elle me trouve charmant youhou... *

Roberto la regarda secouer sa bourse, il lui aurais conseillé de la ranger plus tôt mais l'auberge étant vide cela n'était pas vraiment risqué. Roberto, les bras toujours croisé sur la table, jeta un coup d'oeil dans la sale, personne. Il dit donc à Aemilia :

« Oui je m'appel bien Roberto. Pour ce qui est du métier, je comprend pour quoi vous n'arrivez pas a rentrer dans la politique... Votre jeunesse pourrait être un probleme mais c'est sur tout parce que vous êtes une femme que vous n'y arrivez pas... »

Roberto laissa un petit blanc pour laisser la confusion s'installer.

« Les femmes sont bien plus difficiles à corrompre en politique. Elle ne ce complaisent pas dans une stagnation abrutissante pour le pays... Même après plusieurs année de politique, elles ce battent toujours avec rage. C'est un problème que tous les hommes politiques évitent, sous couvert d'excuses pitoyable lorsqu'ils ont des femmes en face d'eux ou si non il en emploient d'autres bien plus hypocrite encore. Il prétendent que s'il y avait des femmes au gouvernement, elles voleraient la place au hommes et affaibliraient l'état... Enfin si vous avez assez de cran vous pourrez très bien réussir, si c'est ce que vous désirez vraiment, je ne vois pas de raisons qui vous en empêche réellement. »

Roberto regarda au plafond et soupira, ce disant que dans le monde d'aujourd'hui, même a sparte il était bien difficile d'être un citoyen du sexe féminin. Puis il repris sur un ton bienveillant :

« Pour ce qui est d'un travail, certes ce n'est pas de la politique mais en cas de besoin vous pouvez toujours venir travailler à l'auberge. Je vous trouverais bien une ou deux bricoles à faire et vous pourez rencontrer des gens de toutes sortes. Mais restez dans les parages, m'es avis qu'il ce trame deux ou trois petites choses dans la villes et que tous les ambitieux, s'ils ce débrouillent bien, pourront y trouver leurs compte... Maintenant c'est à vous de voir. »

Roberto fini sa phrase avec un petit clin d'oeil tout en prenant une olive.

Aemilia poussa un lourd soupir et posa ses coudes sur la table. L'air faussement malheureux, elle laissa tomber lentement sa tête au creux de ses mains. Roberto avait raison et elle le savait. Mais cela ne la motivait que plus encore. Ce qui, en revanche, l'amusa moins, c'est la place d'aubergiste qu'il lui proposa. Surprise et intriguée, elle releva la tête. Aemilia ne s'attendait pas à une telle offre, et elle se sentit involontairement vexée. Ambitieuse et revant de pouvoir, elle ne s'était jamais imaginé tenir une modeste auberge. Elle faillit lui répondre quand son regard se fit plus songeur.

* Après tout... j'ai besoin d'argent, et je n'arriverai pas à mes fins du jour au lendemain...il faudra du temps...*

La gorge sèche, elle se jeta sur le verre et le finit lentement mais avidement. Puis elle plongea son regard dans ce dernier, comme si la solution était écrite sur la fragile paroi. Après quelques secondes d'absence, elle le reposa.

"Je vais réfléchir à votre offre. C'est très généreux de me proposer une place....vraiment très généreux..."

Troublée, elle ne pouvait s'empêcher d'entendre la voix de Roberto raisonner dans son esprit. Il avait piqué sa curiosité par ses dernières paroles. Qu'entendait-il par " ces 2 ou 3 choses qui se tramaient ?" Cette question lui brulait les lèvres, mais s'il s'était voulu si énigmatique, il n'avait surement pas la réponse. Et l'argument des rencontres se tenait.

"Difficile pour une "ambitieuse" telle que moi de revenir à son point de départ...hé oui, j'ai moi même tenu une petite auberge il y a quelques temps de cela...mais c'était il y a si longtemps...pourrai-je le faire encore ?"

Elle leva les yeux comme par défi vers Roberto. Elle ne voulait pas décider maintenant et lui donner une réponse, et lentement, elle dériva sur un autre sujet. Un sujet qui l'interessait au plus haut point. Un sujet politique, évidemment.

"Et ces éphores ? Les avez vous vu ? De quelle nature sont leurs pouvoirs ? Purement politique ou bien mystiques ? J'en ai tellement entendu parler, et j'ai l'impression de les connaitre à travers leur légende...mais entre vérité et rumeur, il n'y a qu'un pas, et il est difficile de bien juger ces vieux hommes."